Critique littéraire : Enfance de Nathalie Sarraute

mercredi 25 janvier 2023
par  Victoria Fellah

VICTORIA FELLAH
Master MEEF 1 rédaction porfessionnelle

Critique Littéraire – Enfance Nathalie Sarraute

Alter écho, quand le « Je » du passé éclaire notre « Je » présent

Issue d’une famille aisée et cultivée, Nathalie Sarraute, née Natacha Tcherniak, est une écrivaine, romancière, et dramaturge. D’origine russe, elle est née le 18 juillet 1900 près de Moscou et est décédée le 19 octobre 1999 à Paris, France. Enfance, autobiographie parue en 1983, raconte les onze premières années de l’enfance de Nathalie, déchirée entre la vie de parents divorcés.
Nathalie, surnommée Tachok, nous raconte ses souvenirs et traumatismes construits à travers son éducation. Des souvenirs joyeux, ses instants partagés avec sa mère Boretski, son père Ilya Evseitch, sa domestique Niania, dont les souvenirs ne sont pas flatteurs. Lors des promenades avec sa nounou, celle-ci lui donnait la nausée car elle avait les cheveux imbibés « de vinaigre ».

Durant la lecture de cet ouvrage, une étrange sensation de calme se fait ressentir, malgré les multiples Le choix d’évoquer le passé est un thème banal, peu innovant et récurant des autobiographies, mais l’auteure l’a fait avec brillance et singularité à travers un jeu de discours apportant un grain de folie à cette autobiographie. Elle établiesst un dialogue avec elle-même et ce, dès le départ : « Alors, tu vas vraiment faire ça, évoquer tes souvenirs d’enfance ?… » « Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi... » Cette dynamique de récit nous permet de la voir grandir, et de comprendre comment elle s’est construit, grâce à cette conversation qu’elle entretient avec elle-même enfant. L’auteur refuse fermement de tomber dans le cliché du récit parfait et se met en garde « fais attention, tu vas tomber dans l’emphase... » Toutefois, l’auteur passe par des instants qu’elle ternit et d’autres qu’elle embellit subjectivement : « Ne te fâche pas, mais ne crois-tu pas que là, avec ces roucoulements, ces pépiements, ces tintements de clochettes, tu n’as pas pu t’empêcher de placer un petit morceau de préfabriquer… c’est si tentant... ». « Oui, je me suis peut-être un peu laissé aller.. »
Elle passe parfois par des souvenirs oubliés ou mauvais, qui dénoncent le traumatisme d’une mère absente. « Et pourtant, quelque chose l’empêche de figurer parmi les beaux souvenirs d’enfance comme y avait droit la maison de ton oncle. - Je le sais bien : c’est l’absence de ma mère. Jamais elle n’y apparaît un seul instant. ». Le tableau dressé de sa mère stricte et dure. Lors d’une promenade, elle lui interdit fermement de toucher le poteau électrique car il tue. Nathalie, touche malgré tout, et croit qu’elle est morte. A contrario, le père de Nathalie possède « la bonne place » dans ses souvenirs. Nombre des souvenirs qu’elle évoque avec lui sont positifs « Je ne vois que mon père. J’aime passer la main dans ses joues maigres, un peu rugueuses, serrer leur peau entre mes doigts pour la soulever, chatouiller sa nuque.. Il me repousse gentiment… et aussi parfois, quand il ne s’y attend pas, lui donner un gros baiser dans le creux de l’oreille ».

Le professeur Lesage et sa mère, l’ont particulièrement traumatisée avec une recommandation particulière « mâcher ses aliments jusqu’à ce qu’ils deviennent aussi liquide qu’une soupe ». Promesse qu’elle avait faite à sa mère et qu’elle tenait. Chaque souvenir de l’auteure est décrit par des mots soigneusement sélectionnés, dressant un paysage, une atmosphère dans lequel le lecteur peut se plonger. Le fait de ne pas raconter son enfance dans un ordre chronologique est symbolique et montre à la fois que le temps efface les souvenirs, comme le prouve la dernière phrase de son livre « m’efforcer de faire resurgir quelques moments […] qui disparaissent avec l’enfance », mais aussi que Nathalie nous décrit le point de vue de l’auteur à l’instant où elle écrit et non la perception ni le ressenti exact de l’enfant : « Il n’est pas possible que tu l’aies perçu ainsi sur le moment… » « Évidemment. Cela ne pouvait pas m’apparaître tel que je le vois à présent »

Le livre n’est pas une invitation pour le lecteur à en découvrir davantage sur Nathalie, mais plutôt un récit égoïste, qui sert Nathalie à soigner ses quelques traumatismes et nourrir sa nostalgie.
Cette œuvre nous dévoile une partie de l’enfance de l’auteur, à travers une écriture la plus proche possible du sincère, où elle n’est pas dépeinte comme l’imaginaire collectif d’une enfance heureuse et parfaite, mais comme le réel qu’a vécu l’auteur, avec bien sûr, des émotions qui rende le récit plus beau malgré tout.
L’auteur n’évoque toutefois que quelques instants de sa vie ce qui est un peu réducteur. La vie ne peut se résumer à quelques fragments d’une enfance. J’aurais apprécié lire une autobiographie plus dense, qui nous aurait permit de mieux connaître l’auteure dans l’intimité de sa vie et de sa carrière.
Cette autobiographie reste innovante et surprenant par la singularité de la forme que prend le récit, qui nous pousse à réfléchir et comprendre nos propres souvenirs et émotions.


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