L’Amant - Marguerite Duras

lundi 4 décembre 2023
par  Cléa Robert

Il faut le lire une fois.

L’Amant est puissant.

Puissant de par le talent d’écriture de Duras, puissant en émotions véhiculées et puissant d’originalité. C’est un roman qui vous plonge dans une humilité certaine et qui ne laisse pas de place à un imaginaire réconfortant. Marguerite Duras y décrit sa triste et dure enfance en Indochine française avec ses frères, l’un tyran, l’autre tyrannisé ; et sa mère : dépressive et atteinte de folie.
Elle décrit son vieillissement prématuré, imposé par la rudesse de sa vie, mais aussi et surtout elle décrira sa rencontre avec un jeune Chinois, de plus de 10 ans son aîné, avec qui elle découvrira le plaisir de la chair.

Ce roman ne présente pas de chapitres : la lecture est envoûtante et rapide, on passe d’un sujet à l’autre, puis l’on revient au premier, avant de découvrir le troisième ; ceci au grès des souvenirs de Duras. Nous sommes subtilement soumis à un suspens maîtrisé, qui nous donne envie d’aller rapidement au bout du roman, de savoir notamment ce qu’il advient de ce jeune homme, apparu sur la première image décrite par Duras : l’amant. Elle nous fait voyager entre les « images » de sa vie, de son enfance, elle nous tient en haleine, il n’y a pas de pause, les mots les plus froids passent sous nos yeux, un souvenir heureux de son jeune frère et elle-même riant, est immédiatement remplacé par un souvenir triste de la violence dans laquelle elle a grandit.

« Nous sommes ensemble dans une honte de principe d’avoir à vivre la vie. »

C’est ce genre de mots qui sont inscrits sur les pages de L’Amant, et qui vous transpercent le cœur à la lecture.
La violence de ces termes et le détachement avec lequel ils sont employés vous décontenance.
Il m’est d’ailleurs difficile d’exprimer précisément ce que cette œuvre, étonnante de gravité, de dureté mais aussi de beauté m’a procurée.

Mais alors pourquoi le lire une fois ? Et pas deux, ou cinq fois. Je pensais que ce livre allait être mon nouveau roman préféré, tant l’émotion qu’il m’a transmise fut forte, et tant j’ai cru m’identifier à la jeune fille que dépeint Marguerite Duras dans la première partie du livre. Mais cette identification est impossible, et je m’en suis rendue compte, jusqu’à culpabiliser de m’être sentie proche de cette femme qui a connu tant de souffrance que je ne connaîtrais sûrement jamais (et que je ne souhaite en aucun cas connaître, entendons-nous bien). Cette œuvre reste autobiographique, d’où la limite que j’y trouve de m’identifier à son auteure.
Ainsi, j’ai changé d’avis. Ce roman ne sera pas mon roman préféré, je ne m’identifierai pas à cette femme et je ne le relirai peut-être pas. Parce que je finirai par m’être lassée de cette négativité, de cette tristesse, bien qu’elle eu été réelle pour Marguerite Duras. En effet, passé la leçon d’humilité et les frissons procurés par le passage à l’acte charnel, lire la tristesse me fut pesant.

Néanmoins, il faut lire L’Amant, ne serait-ce que pour l’expérience, pour expérimenter une lecture qui vous prend aux tripes d’une manière si atypique. Il a reçu le prix Goncourt en 1984 et ça n’est pas sans raison. Je garde en mémoire le plaisir que j’ai eu à découvrir ce chef-d’œuvre, et les larmes qu’il a placé dans mes yeux lors de cette première (unique ?) lecture.
Je trouve que ces larmes sont le témoin de la puissance qui caractérise L’Amant.

Cléa Robert
09/01/2023


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