Mais quelle idée m’est passée par la tête ce jour-là quand je lui ai proposé de venir dîner à la maison pour son anniversaire. Je n’irais pas jusqu’à dire que je n’aime pas cuisiner mais de là à mettre les grands plats dans les grands. Adepte de la cuisine simple, je suis déjà en lutte quotidienne contre moi-même dans cette pièce nommée cuisine pour me faire à manger tous les jours. Pas le choix, impossible d’annuler, je dois affronter les aliments. Me voici en terrain miné.
Je me sens seule dans l’arène, entourée d’une batterie d’ustensiles, petits soldats en faction prêts à me sauter dessus. Je vais devoir livrer une guerre sans merci.
J’attaque le dessert, qui nécessite un long temps de repos. J’ai opté pour une charlotte. Recette facile. L’opération consiste à rabouter les boudoirs humides dans mon moule, et dans la tranchée créée j’alterne couche de glace vanille et couche de fruits rouges ; stratégie simple mais efficace et rapide !
Ça y est l’offensive est lancée ; c’est déjà le chaos, ma cuisine se trouve rapidement sens dessus dessous. Mais je ne supporterais pas la défaite, ce n’est que le début du combat et je dois reprendre activement les armes. Je passe au plat principal, une daurade sur un lit de légumes. Je saisis fermement le poisson. J’ai bêtement oublié de demander au poissonnier d’évider la bête. Je me munis d’un couteau et plonge la lame profondément dans la panse de la daurade ; le sang dégouline, les viscères envahissent mon évier, c’est un véritable massacre. D’un geste violent, je coupe la tête et la queue de ma pauvre victime et passe un dernier coup de lame sur ses flancs pour enlever les dernières écailles de sa cuirasse luisante. Place aux légumes d’accompagnement : j’ampute, j’épluche, je taille, je coupe, j’émince. Je me bats avec les oignons suintants. Je mets à feu vif les carottes et courgettes pour les faire sauter ; elles doivent rester croquantes.
Retour au calme ; j’ai enfourné le poisson assaisonné avec les oignons émincés qu’il me restera à faire cuire, les légumes reposent dans le wok et le dessert « prend » au frais.
Plus qu’une petite heure avant l’arrivée de mon hôte pour remettre tout en ordre, me préparer et mettre la table. J’ai vaincu mais pas triomphé : quel désordre ! Ma cuisine est un véritable champ de bataille ; elle a subi le pire siège de son histoire. La prochaine fois, je propose un restau. !