Amadou HAMPÂTÉ BÂ, Amkoullel, l’enfant Peul

« Donner du sens à l’éducation »
jeudi 29 novembre 2018
par  Sophie Le Berre

Amadou HAMPÂTÉ BÂ, Amkoullel, l’enfant Peul

« Donner du sens à l’éducation »

Dans le cadre de son cycle « Donner du sens à l’éducation », « Famille magazine », magazine d’éducation, s’intéresse aujourd’hui à l’approche africaine de ce sujet au travers de l’œuvre d’Amadou HAMPÂTÉ BÂ, « Amkoullel, l’enfant Peul ». L’auteur nous y livre un magnifique témoignage de la puissance d’une éducation riche de sens et de traditions, véritable inspiration pour notre société occidentale en mal de repères.

Dans Amkoullel, l’enfant Peul, Amadou HAMPÂTÉ BÂ nous conte son enfance et sa prime jeunesse, depuis sa naissance à Bandiagara en 1900 ou 1901 jusqu’à son exil pour Ouagadougou à l’aube de ses 20 ans. Se rappelant tour à tour ses doubles racines peules et toucouleures, rendant hommage à sa mère Kadidja, partageant ses bonheurs d’enfant libre au cœur de l’Afrique, évoquant avec humour et parfois douleur sa fréquentation des hommes Blancs, c’est avec force et mémoire vives qu’Amadou HAMPÂTÉ BÂ revient sur son histoire. Il nous transmet ainsi les trésors qui l’ont construits en tant qu’homme, et qu’il garde précieusement ancrés au fond de son cœur.

Du quotidien transcendé

Car c’est bien lors de ses primes années de jeunesse qu’un enfant emmagasine l’essentiel de ce qui lui permettra par la suite d’avancer dans la vie la tête haute. Cela, les maliens l’ont compris, aussi ne badinent-ils pas avec l’éducation de leur progéniture. Encore moins lorsqu’il s’agit d’élever, au sens strict du terme, l’héritier d’un chef de tribu africaine tel Amadou HAMPÂTÉ BÂ.
Cette éducation rigoureuse se veut cependant baignée de sens, et c’est cela même qui lui donne force et autorité, comme nous l’explique l’auteur en nous racontant par exemple les repas pris en communauté :
« Toute cette discipline ne visait nullement à torturer inutilement l’enfant, mais lui enseignait un art de vivre. Tenir les yeux baissés en présence des adultes, surtout des pères (…), c’était apprendre à se dominer et à résister à la curiosité (…). Ne pas parler, c’était maîtriser sa langue et s’exercer au silence : il faut savoir où et quand parler (…). Tenir le rebord du plat de la main gauche était un geste de politesse, il enseignait l’humilité. Éviter de se précipiter sur la nourriture, c’était apprendre la patience ».
Un art de vivre, des règles de vie en société basées sur le respect des aînés et la maîtrise de soi, voilà les premiers enseignements que l’enfant reçoit. Cette pédagogie a pour visée de lui permettre de sortir de l’égocentrisme propre à son jeune âge, pour apprendre à vivre en harmonie avec ses semblables. Un exemple pour notre occident individualiste, géniteur d’enfants rois et d’adultes tyrans.

À la transcendance appliquée

Une fois ces règles de base acquises, vient le temps de la connaissance du plus grand que soi, de ce qui dépasse toute mesure. Ainsi la vie des jeunes garçons se déroule-t-elle au rythme des traditions et des rites ancestraux. Leur initiation à la transcendance, au rapport à la vie et à autrui, prend alors pour support la nature et son impeccable, inaltérable, implacable organisation :
« Tous ces enseignements reposent sur des exemples concrets faciles à comprendre pour les enfants. Certaines scènes observées donnent l’occasion de développements plus profonds : un arbre déployant ses branches dans l’espace permet d’expliquer comment tout, dans l’univers, se diversifie à partir de l’unité ; une fourmilière, une termitière donnent l’occasion de parler des vertus de la solidarité et des règles de la vie sociale ».
Les valeurs morales sont ainsi enseignées dès le plus jeune âge aux enfants, qui n’ont de cesse par la suite de montrer leur respect de celles-ci au travers de leur courage, leur mérite et leur vertu. Le respect des règles constitue en effet la règle majeure, la règle des règles. L’enfreindre couvre de honte l’enfant, mais aussi l’ensemble de sa famille. Héritiers des valeurs familiales, les enfants sont en effet tenus d’en porter haut les couleurs.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : ainsi responsabilisés, les enfants acquièrent la capacité de discerner le bien et le mal, le bon et le mauvais. Ils jouissent alors d’une liberté totale, accordée par des parents qui savent qu’ils peuvent leur faire confiance pour évoluer au milieu des dangers, bien réels mais aussi plus sournois, de la savane africaine.
Et c’est en cela que ce type d’éducation représente un autre exemple à suivre pour notre société dont les valeurs se sont au fil du temps éclipsées : les enseignements qui découlent des traditions, loin d’enfermer, constituent une armure protectrice pour les enfants, permettant aux parents de les laisser aller librement, en toute confiance et tranquillité. Car ainsi armés, ils savent que leurs enfants feront les bons choix, et prendront les bonnes décisions.

Vers un destin hors du commun

Ainsi, ces deux pans indissociables de l’éducation d’Amadou HAMPÂTE BÂ, règles de vie sociales et transcendance, lui ont apporté le discernement nécessaire à sa progression dans la vie, et à l’accomplissement du destin qu’on lui connait : fondateur de l’Institut des Sciences Humaines de Bamako en 1960, membre du Conseil exécutif de l’UNESCO de 1962 à 1970, lauréat du Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1974 pour L’Étrange destin de Wangrin, médaillé d’argent du Prix de la Langue Française par l’Académie Française en reconnaissance des services rendus au dehors à la langue française, écrivain, ethnologue et chercheur en tradition orale d’Afrique de l’Ouest …
Solidement enraciné sur sa terre africaine, les yeux néanmoins rivés vers l’ailleurs, Amadou HAMPÂTE BÂ a ainsi puisé la force de faire rayonner sa culture et son héritage par-delà les frontières. Dans un langage simple mais dont le sens met en exergue toute la puissance, il questionne notre rapport au spirituel, au rituel, au sacré, et nous assoiffe de cette richesse dont notre civilisation occidentale se meurt. Cette simplicité et ce bon sens qui constituent la sagesse des grands hommes.


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