Une promesse non tenue

La promesse de l’aube de Romain Gary,
Aucune récompense et pourtant...

L’événement récompensant la meilleure œuvre biographique approchant, il est bon de se replonger parfois dans ce qui fit de notre répertoire ce qu’il est aujourd’hui.
Loin de dénigrer, les œuvres contemporaines au profit de nos “Classiques” dira-t-on, quoique… Il est bon de lire des lignes qui marquent une vie voire plusieurs, et non celles qui s’oublient aussitôt la page tournée.

La promesse de l’aube est donc le récit personnel de Romain Gary, sur sa propre vie, de ses plus vieux souvenirs d’enfant au théâtre russe, en passant par ses déboires militaires, son enfance immigrante, sa quête du talent caché jusqu’à cet instant sur la plage de Big Sur. Hors du temps, où l’auteur se permet une rétrospective sur sa propre vie.

La promesse du futur construit un présent intemporel

Nous sommes avec Romain Gary sur la plage de Big Sur en Californie, entre quelques mouettes et quelques phoques. Devant nous, le second amour de Gary, L’océan. Derrière, ce sont toutes les années en compagnie du plus grand amour que l’auteur a jamais connue : sa mère. Artiste de théâtre russe, nous voyons cette femme au travers de l’œil de Gary. Cet enfant qui dès son plus jeune âge, sera le sujet de l’ambition démesurée et indéfectible de sa mère. Il sera artiste, officier, ambassadeur et Français. Elle y croyait. Non, elle le savait. Et ce jeune enfant, au travers de ces contes, de ces espérances grandiloquentes et de ces triomphes à venir, forge avec sa génitrice une promesse : redresser le monde et le lui déposer à ses pieds. Cet amour pour sa mère l’accompagnera toute sa vie.

Au côté de l’auteur nous revisitons sa jeunesse en Pologne, où dans une brève période de prospérité sa mère le confie à plusieurs professeurs et cherchera l’endroit de son génie artistique. L’écriture semble être la première marche vers cet escalier de gloire et dès lors, il n’aura de cesse d’écrire. La France est pour le duo une nouvelle période de grâce, mais les années commencent à se faire sentir sur la femme, et l’angoisse gagne Romain de ne pas réussir à temps à tenir sa promesse.

Suite à la défaite Romain rejoint l’aviation libre, il combattra en Afrique, en Grande-Bretagne, et sa mère ne le quittera jamais, elle et ses lettres. Terminant la guerre, officier, auteur reconnu, médaillé, diplomate, l’enfant devenu l’homme que sa mère prédisait peut enfin rentrer et déposer le monde à ses pieds. Le destin n’aura eu cesse de lui barrer la voie et sa mère de lui rouvrir.

On tourne la dernière page et … tout reste

L’œuvre est particulière, dans le sens où elle nous laisse une marque bien que nous ne semblions pas être l’interlocuteur. Nous nous voyons promettre la même chose qu’à Romain, lui au seuil de sa vie, nous au seuil du livre : la promesse d’une vie. Et quelle vie ! Le livre est un de ces écrits qui nous fait douter de la réalité. Est-ce bien une autobiographie ? Une vie d’homme peut-elle tant contenir ?
Et pourtant oui, nous nous mettons à lire et tout comme pour la mère, la promesse n’en est plus une mais une certitude.
Et pour nous la promesse semble être tenue, car après une telle lecture, la réalité, notre réalité est altérée, une nouvelle aube s’est levée sur notre vie, et nous aussi nous tenterons de saisir notre septième balle.

“Ce n’est pas un défi, c’est une déclaration de dignité.”

RH