Compte rendu de conférence, Yves Coppens le 29 mars 2018.

Où, quand, pourquoi, comment est apparu le premier Homme.
jeudi 19 novembre 2020
par  sophieharistouy

Participants :

- Yves Blisson, journaliste,
- Yves Coppens, paléontologue et paléoanthropologue français, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et au Collège de France,
- Interlocuteur 1,
- Interlocuteur 2,
- Interlocuteur 3.

Lieu :

10èmes Tables Ronde de l’Arbois, Aix-en-Provence.


Introduction

Y. Coppens développe dans cette conférence à la fois les découvertes majeures qui ont permis de comprendre l’apparition de l’Homme, et les grandes étapes de son évolution. Il suit pour cela un plan détaillant les points suivants : où, quand, pourquoi et comment.

Entrée en matière

Soulignant l’exposé brillant du ministre B. Kouchner, Y. Coppens, fidèle à son habitude, débute son allocution par un « begining joke ». Rompant avec l’image solennelle de sa présentation par Y. Blisson, il relate ainsi son expérience de mai 68 au Kenya, mettant en scène l’entreprise surprenante de l’ambassadeur de France pour dissimuler un ministère des Affaires Etrangères quelque peu désorienté.

Il poursuit par une rapide mise au point quant à la vision biologiste de l’Homme qui, se basant sur l’ordre d’apparition des êtres vivants, ne lui confère pas de place prioritaire. S’appuyant pour sa part sur le développement du système nerveux central, l’art, la science et la compassion, l’anthropologue le distingue, lui, clairement dans ce règne.

Le Professeur, enfin, rappelle les informations à avoir à l’esprit : la vie sur terre a 4 milliards d’années ; les Vertébrés, autour de 500 millions d’années ; les Mammifères, 200 millions d’années ; l’ordre des Primates, 70 millions d’années ; les Hominidés ont 10 millions d’années, ils sont issus des primates et ont eux-mêmes donné naissance à deux sous-familles : les Pré-chimpanzés et les Pré-humains.


Où et quand ?

Y. Coppens commence donc par énumérer les principales découvertes anthropologiques, dont, taquinant B. Kouchner, les différents médecins ayant retracé cette évolution : Schmerling découvrant d’abord l’homme de Neandertal (100 000 ans) en 1829 en Belgique, à Engis ; Dubois et l’Homo erectus (700 000 ans) en 1891 à Java ; Dart avec l’Australopithèque (2 millions d’années) en 1924-1925 en Afrique. Coppens souligne que ces fossiles ont été dégagés dans l’ordre inverse de leur ancienneté, facilitant ainsi la compréhension des différentes étapes.

Il chausse ensuite des bottes de vingt ans pour explorer la localisation de ce premier homme. Il s’amuse de ce qu’elle commence en Europe, bien sûr, entre 1940 et 1960. Il aide à cette époque Hurzeler, qui fait l’hypothèse que l’Oreopithecus, découvert en Italie et estimé comme un petit singe, pourrait être l’ancêtre de l’Homme. Malgré de fausses joies, arrosées prématurément, la découverte de la brachation du spécimen met un terme à ces théories, et à l’idée séduisante mais erronée d’un Homme né en Europe.

Puis l’anthropologue explique comment les années 60 à 80 ont mis en lumière l’Asie, avec les travaux de Simons et Pilbeam sur un fossile Sivapithecus. Or, lors d’un colloque en 1981, Pilbeam retire Sivapithécus, trop proche de l’orang-outan. Renonciation appuyée par une expérience de Lowenstein, que relate Y. Coppens, non sans ironiser sur les méthodes peu précautionneuses des biochimistes.

De 1980 à 2000, les thèses se réorientent vers l’Afrique, où durant les vingt années écoulées, Coppens et ses homologues ont découvert beaucoup de fossiles d’hominidés, de pré-humains, mais pas de pré-chimpanzés. Déduisant que ces deux descendants d’ancêtres communs, présents un peu partout en Afrique tropicale, ont évolué différemment de part et d’autre de la Rift Valley, Coppens fonde l’Est Side Story : à l’ouest, dans la forêt, les pré-chimpanzés ; à l’est, dans un milieu très asséché, les pré-humains. Mais la découverte de Toumaï (7 milliards d’années) par M. Brunet en 2001 au Tchad sonne la fin de l’East Side. Pour Coppens cependant, ces deux décennies ont montré l’origine africaine de l’Homme, dans un berceau concentrique à la forêt.

Concernant la datation, il insiste sur le couplage nécessaire de méthodes relatives (bio chronologie, paléomagnétisme, etc.) et absolues, qui naissent avec le carbone 14. Il relève le caractère décisif de la datation cosmogénique de sédiments. A la suite de travaux d’Everdern et Curtis en 61, sur un fossile de pré-humain découvert par Leaky en Afrique orientale, les recherches et datations se multiplient dans cette régions, se croisent et permettent d’aboutir à des dates fiables : 10 millions d’années pour les hominidés ; 3 millions pour les premiers humains.

Pourquoi et comment ?

Y. Coppens explique que des phénomènes astronomiques provoquent l’englacement du sud de la terre, formant l’Antarctique il y a 10 milliards d’années. Parallèlement, la zone tropicale s’assèche. Se développent à ce moment-là des graminées, qui démontrent l’ouverture végétale du paysage. Les pré-chimpanzés se retrouvent alors dans un milieu qui reste arboré ; les pré-humains dans un environnement qui peu à peu se découvre. Et Coppens de se réjouir, amusé : c’est sa Story ! A cette période, les pré-humains se mettent debout. La tête se positionne différemment sur la colonne vertébrale, qui développe quatre courbures, le crâne se déverrouille légèrement, favorisant l’augmentation en volume, le bassin passe en pression, le membre postérieur, devenu inférieur, s’allonge, et marche. L’anthropologue s’émerveille de la découverte dans son laboratoire de Paris d’une double locomotion chez Lucy, la plaçant à mi-chemin entre les ancêtres qui grimpent et ceux qui marchent. Nous sommes à 3 millions d’années.

A cette période, une chance, nous dit Coppens, de nouveaux phénomènes déclenchent l’englacement du Nord et la formation de l’Arctique. L’Afrique s’assèche encore, forçant les pré-humains à une nouvelle adaptation. Les recherches observeront le même phénomène dans toute l’Afrique mais avec des réalisations différentes : une réponse favorisant l’adaptation à la marche et à la course (robuste) et une autre favorisant la transformation de la tête (gracile). De nombreuses découvertes ont permis d’établir des séries. L’une d’entre elles, gracile, se retrouve en Afrique du Sud et de l’Est, c’est l’Homme. Son adaptation passe par trois caractéristiques. Premièrement, un développement de l’appareil respiratoire supérieur. Deuxièmement, une modification de la bouche, libérant la langue, et des dents (on se met à manger de la viande). Le cerveau, enfin, va passer un seuil de complexité qui va permettre, à terme, la réflexion.

Yves Coppens conclut sur cette triple progression qui, comme celle de la main, n’a jamais cessé de fonctionner.


1ère question

Yves Coppens est interrogé sur le lien constant entre taille de cerveau et intelligence, et la supposée supériorité de l’homme sur d’autres espèces dont la tête est plus petite.

S’il ne voit aucun inconvénient à se trouver « plus petit que le petite oiseau », Coppens commence par balayer la question des proportions, jugeant la recherche de rapports inopportune. Il reprend cependant des caractéristiques évoquées : la réflexion scientifique, artistique et la compassion. Il renchérit en constatant que le cerveau humain est l’organe qui s’est le plus développé, toutes espèces confondues, depuis l’apparition de la vie sur Terre. S’il concède que l’Homme ne peut être premier en tous, il lui reconnaît une supériorité au vu de ces arguments.

2ème question

A une question sur l’inexorable et exponentielle croissance du nombre d’êtres humains, Y. Coppens répond ensuite qu’en effet, on ne peut ignorer cet état de fait.
Il reprend cependant l’histoire du déploiement de l’Homme : de l’Afrique au Proche Orient, puis l’Eurasie, et l’Amérique par le détroit de Béring. Il enchaîne, de manière très optimiste, sur l’exploration spatiale que nous connaissons aujourd’hui. Selon lui, non seulement nous parviendrons à nous installer ailleurs, mais cela permettra en outre de nouvelles évolutions, fort intéressantes.

3ème question

Un dernier interlocuteur, enfin, interroge Y. Coppens sur les évolutions de l’Homme à venir, et le rôle de la médecine, véritable frein à la sélection naturelle.

Sur les éventuelles transformations morphologiques, il n’a aucun avis. Il en a, en revanche, sur le confort d’un passé et d’un présent que nous connaissons, et la peur d’un futur que nous ignorons. Spécialiste de l’histoire, il imagine les inquiétudes qu’ont dû provoquer les grandes découvertes que furent la pierre taillée ou le feu. Il a une théorie à ce propos : Le syndrome de ma belle-mère. Toutes plaisanteries à part, Y. Coppens se dit circonspect, lui aussi, face à ces incertitudes, mais s’en remet à sa grande confiance en nos facultés de liberté et de responsabilité.


Conclusion

A partir d’un questionnement simple, Y. Coppens retrace l’histoire de l’Homme depuis son origine. Entre dérision et connaissances encyclopédiques, il met au jour, surtout, les incroyable ressources d’adaptation qui ont mené jusqu’à nous. Nous laissant entrevoir, de manière très optimiste, le futur comme une nouvelle étape.

Extrait de la conférence


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