Discours bref de rhétorique

jeudi 19 novembre 2020
par  pierremariecaravano

Genre : monologue
Locuteur : un sarcastique
Destinataire : public

J’étais hier à la place Bellecour errant telle une âme perdue. Je revenais d’un entretien avec un client. La rancœur, et le besoin de me rafraichir sans doute, me firent laisser la voiture là où je l’avais garé. Et je marchai. Fichu client va ! J’aurai dû me méfier aussi, un tel avenant, ces manières sophistiquées, tout cela pour clore un contrat.
Je vous le dis de but en blanc je démarche des magasins pour une entreprise qui produit des moufles. Mon slogan ? « Si la situation est délicate il faut y aller sans gant, à grand froid pas besoin de doigt ». Lui, il y est allé avec des gants, la crapule, et avec du doigté, l’ignoble. « L’élégance et la noblesse des appendices élancés qui ornent des paumes distinguées ne doivent pas être dissimulées, elles doivent être mises en valeur », me dit-il. Hypocrite vaniteux va ! Le gant, de cuir, de daim ou de velours, c’est un peu une manière de se photoshoper les mains physiquement. Comment mieux dissimuler une disgrâce de la nature que des gants qui fournissent alors un odieux mensonge de beauté : les belles mains que voici ! Creusons un peu ! Ou plutôt, ôtons un peu, pour voir cette perfection de plus près ! Mais quelle surprise ! Ces mains qui nous vendaient tantôt du rêve, les voilà immondes et séniles, pleines de rides, de veines et de cicatrices. Menteurs ! Tous des hypocrites. Voilà ce que je dis le soir même à mes enfants, je leur expliquai pourquoi papa allait perdre son travail, je leur dis que ces messieurs étaient trop occupés à vendre du rêve, mais du rêve pour les grands, parce qu’eux ils ne comptent pas mes chérubins, leurs mains à eux ne sont pas disposées à remplir les caisses de leur magasin, elles n’en ont pas besoin. Eh oui, c’est bien connu, le but premier d’un vêtement est avant tout l’esthétique, il n‘y a rien à voir avec une protection ou une pudeur. Les mains, c’est le bel outil, celui que l’on regarde avant tout autre chose chez quelqu’un, ni son visage ni son maintien, on n’écoute pas sa voix et sa manière de parler, l’on a de regard et d’ouïe que pour ses mains que l’on attend avec impatience de voir produire leur concert. C’est là, semble-t-il, qu’il faut prendre conscience de l’importance du gant, lui seul permet de claquer des doigts. Mais c’est capital ! Comment savoir le bruit qu’ils feraient sans cela ! Nous serions bien tristes de ne plus les écouter, nous serions contraints de lever les yeux et d’affronter le regard du quidam effronté qui n’aurait pas voulu nous faire l’honneur, afin de le supplier des yeux qu’il nous partage cette intimité ! Mais je m’emballe, je m’emballe.
Comprenez-moi, je n’ai rien contre le fait de porter des gants et ne menacerai aucun d’entre vous si vous en avez. Mais bon sang, cet argument-là il fallait l’oser, surtout pour quelqu’un avec qui nous avons longtemps travaillé. Un gant c’est d’abord pour réchauffer, ce en quoi la moufle le surclasse de loin, alors je vous en prie, si vous avez quelque chose à cacher, faite-le de façon assumée et pratique portez des moufles c’est plus honnête que de porter des gants.


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