La progression thématique

lundi 22 novembre 2021
par  Jocelyne Bicler

Lettre à mon bébé [1]

Tu es reparti. Comment dois-je écrire ce passé ? Tu n’es pas là pour me le dire alors pour moi tu resteras un Tu d’un temps d’avant les convenances. Un tu que j’étais encore seule à pouvoir te murmurer. Tu es reparti, tu as quitté ma maison. Pas celle des bruits, des odeurs de friture et des ampoules éblouissantes mais mon abri le plus intime, le plus douillet, le plus magique.Tu es reparti sans arriver tout à fait.

Aujourd’hui j’accepte ton choix. Va. Je t’offre ma joie d’avoir accueilli ton âme et un peu de ta chair. C’était la première fois que Laeticia écrivait. Lui écrivait. Elle souriait mais pas du même sourire qu’à la seconde où elle l’avait rencontré. C’était il y a six mois et quand elle avait su, Laeticia s’était ensoleillée. Elle avait rayonné intérieurement pour faire croître cette petite pousse. Elle s’était faite levain.

Et puis il y avait eu cette couleur rosée sur le tissu. Son cœur s’était accéléré et elle avait convoqué le déni, les Je n’y connais rien, ça doit être physiologique ! Mais le vilain rose était devenu rouge, le pourpre s’était mué en douleur, et la souffrance s’était faite petite boule de matière.

Alors Laeticia avait d’abord pleuré. Parfois elle s’enfonçait quelques instants dans l’irrationnel, guettant encore un signe de sa présence. Puis, la colère s’était infiltrée dans le vide. Quand elle se promenait, elle se sentait comme narguée par ces magasins où elle n’avait plus de raisons d’entrer. Surtout celui où une autre cliente lui avait dit dans la queue à la caisse : « Ah, j’aurais voulu les mêmes mais la vendeuse m’a dit que vous preniez les dernières. »

Et puis dans un entretien à la radio un écrivain avait dit : « Que souhaiter de mieux à une nouvelle vie, sinon qu’elle puisse se dire, au moment de mourir, que son existence a eu un sens ? » Alors Laeticia se remit à entendre le chant de la joie. Elle acheta le livre, un cahier et sortit de son hiver. Ce matin, après avoir ouvert son cahier elle s’était décidée. Elle alla sur internet, tapa son annonce sur Le bon coin et cliqua sur publier : « A vendre, chaussures bébé, jamais portées. »


J’aurais dû m’appeler Aurore

[1NDLR : ce texte est écrit en écho au poème J’aurais dû m’appeler Aurore.


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