Une affaire de collusion

samedi 14 janvier 2012
par  Falquet Laurent

En France, les affaires on connait ça. Dernièrement, Jacques Chirac a eu l’honneur d’être le premier ancien président condamné par la Justice, pour des dossiers en souffrance depuis des années. Alain Juppé fut contraint de déménager à Montréal pour les mêmes chefs d’accusation l’année où je découvrais moi-même cette ville. Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy sont nommés dans l’affaire Karachi aux côtés d’Edouard Balladur. Avant cela, Roland Dumas a fait de la prison ferme pour les fameuses Frégates de Taïwan grâce à Eva Joly, dont les efforts furent récompensés par une relaxe. Et Dominique Strauss-Kahn n’a pas eu maille à partir avec la Justice pour la première fois à New-York. J’en oublie.

On connait tous ces histoires, mais elles restent vagues, mystérieuses et le soupçon du secret non entièrement dévoilé demeure. Christine Deviers-Joncour et ses apparitions télévisées, la cassette de Jean-Claude Méry ont permis à une vérité d’éclater au grand jour. Mais on oublie vite ceux qui ont brisé le silence et porté les accusations les premiers.

Collusion et corruption

Ici au Québec, Le journal Le Devoir [1] a titré, pas moins de deux fois et en première page, sur une affaire de corruption et de collusion touchant l’industrie de la construction. Un homme parle, il s’appelle Jacques Duchesneau et a été remercié de son poste de patron de l’Unité anticollusion au sein du Ministère des Transports [2]. Il y a mené une enquête marquante qui a contraint le gouvernement québécois à former la commission d’enquête Charbonneau, du nom de la juge en charge de l’enquête. Les 500 témoignages recueillis par Duchesneau et son équipe mettent en cause le secteur de la construction (entrepreneurs, firmes d’ingénierie et d’architectes) et un réseau d’influence criminel et meurtrier, œuvrant main dans la main pour se partager le lucratif marché des travaux publics.

En France, il est de notoriété publique que, si notre pays compte autant de ronds-points, c’est pour d’autres raisons que la fluidité du trafic routier. Et bien au Québec, et particulièrement à Montréal, ce sont les travaux liés à l’entretien du réseau routier qui comportent des zones d’ombre dans les budgets. Gérard Laflaque, le PPD local, en avait fait un sketch rediffusé dimanche dernier. Il tourne en dérision le maire de Montréal, Gérald Tremblay, de mèche avec des cônes de chantier extraterrestres voulant détruire la planète.

L’affaire s’affiche donc largement dans la presse et l’entretien exclusif donné par Jacques Duchesneau au Devoir ne pêche ni par l’euphémisme ni par la litote. Duchesneau ne se gêne pas pour utiliser des mots comme « mafia », « crime organisé », « empire clandestin » aux influences étendues au-delà de Montréal pour faire comprendre les dessous de l’industrie de la construction au Québec. Les implications touchent les politiques, les syndicats, les entrepreneurs, tous formant un réseau fonctionnant comme un conseil d’administration d’entreprise, sans tête pensante ni chef. Ils décideraient de l’attribution des contrats publics et jouerait un rôle dans le financement des partis.

« Réveillez-vous ! »

Et tout cela sur le dos de « huit millions » de Québécois payant pour l’enrichissement délictueux d’un petit nombre. L’éditorial du 10 janvier lance à ce propos un « Réveillez-vous ! » que la commission Charbonneau devrait permettre de réaliser, selon les bons espoirs de Jacques Duchesneau. En première page, le quotidien québécois affiche la photo de cet homme courageux, le montrant l’index pointé sur la tempe, pour signifier la raison qui le pousse à taire les noms des personnes impliquées. Le Devoir a, tout de même, le sens de la dramatisation.

Les premières enquêtes auront lieu au printemps. On en reparlera à ce moment-là.

Rédigé par Laurent Falquet



Commentaires  Forum fermé

Publications

Derniers articles publiés

Annonces

La formation Rédacteur Professionnel

Si vous souhaitez des informations concernant la formation Master Rédacteur Professionnel, unique en France, contactez :
marie-emmanuelle.pereira@univ-amu.fr
veronique.rey.2@univ-amu.fr


Le programme de formation RP

Vous trouverez le descriptif des enseignements dans l’onglet "formation Rédacteur Professionnel"