Où en est la Commission Charbonneau ?

mercredi 4 avril 2012
par  Falquet Laurent

Rappelez-vous, j’avais choisi dans mon premier blogue d’aborder les magouilles dans lesquelles le ministère des Transports et l’industrie de la construction québécoise étaient impliqués. Un homme avait révélé les dessous de l’affaire : Jacques Duchesneau. Choquée par les révélations et par la perspective que certains s’enrichissaient à même les impôts des contribuables, l’opinion publique avait obligé le gouvernement à former une commission d’enquête, dirigée aujourd’hui par la juge France Charbonneau.

Cette semaine, l’honorable magistrate s’est adressée directement aux Québécois pour recueillir des témoignages, via le site Internet de la Commission. Lise Payette, chroniqueuse hebdomadaire au Devoir, fonde beaucoup d’espoir sur cette femme. Elle croit en la sincérité de cette juge de caractère que sa réputation d’ « efficacité redoutable » précède. Seulement, face à la volonté d’une seule s’opposent plusieurs obstacles. Kathleen Lévesque, journaliste d’information au Devoir, révèle dans un article paru le 24 février des informations exclusives, données par des sources anonymes proches du dossier.

Tout d’abord, le rapport Duchesneau serait remis en cause. Sa qualité de preuve semblerait nulle pour Me Lépine, procureur-chef du Bureau de lutte contre la corruption et la malversation. Une source proche du dossier dirait que le rapport est « carrément boudé ». Au mieux il constituerait une base d’informations que les enquêteurs de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) du ministère des Transports devrait vérifier en interrogeant à nouveau les témoins. Tout le travail recommencerait à zéro.
Ensuite, certains des témoins interrogés par l’équipe de Duchesneau se montreraient réticents à se présenter une seconde fois à la barre pour y répéter leurs accusations. Les policiers se verraient aussi compliquer la tâche par les fonctionnaires du ministère des Affaires municipales.
Enfin, toujours appuyé sur des sources anonymes, la journaliste affirme l’existence possible de tensions au sein de l’UPAC. Cette dernière est formée d’inspecteurs de police de la Sûreté du Québec (niveau provincial) et des services des villes de Montréal et Longueuil (niveau municipal). Les deux forces de sécurité régalienne auraient du mal à collaborer. La Sûreté du Québec serait perçue comme proche du gouvernement et donc du pouvoir politique soupçonné. Pour les lecteurs français, sachez que la police municipale est armée et possède les mêmes attributions que la police provinciale (enquête criminelle, arrestation, maintien de l’ordre, etc.).

Cependant, Kathleen Lévesque tempère ses révélations en interrogeant les parties incriminées et en rapportant leurs déclarations. Premièrement, la Commission réfute l’intervention de Me Lépine sur le rapport Duchesneau auprès de l’UPAC. Son porte-parole rajoute que le rapport est une aide précieuse, source parmi d’autres du travail d’investigation. Deuxièmement, la Commission soutient que les réticences de participation ne sont pas « insurmontables ». Également, le ministre des Transports assure l’entier concours de ses collaborateurs. Troisièmement, les tensions n’existent pas, explique le porte-parole, preuve en est la coopération des deux corps de police sur d’autres dossiers.

Alors qui croire ? D’un côté, Le Devoir fait émerger une vérité cachée, dramatisée par le recours aux sources anonymes. De l’autre côté, la Commission œuvre pour la transparence dans les affaires publiques. Et la voilà prise en défaut en niant les informations du journal. Il s’agit d’une affaire dans l’affaire. France Charbonneau mentirait-elle ? Le Devoir a-t-il suffisamment vérifié ses renseignements ? Celle ou celui qui a tort dans l’histoire n’en sortira pas grandi.

***

À noter que la même semaine, le ministère des Transports, suspecté dans l’affaire, a annoncé 1600 chantiers de travaux routiers pour la période 2012-2013, soit 3,9 milliards de dollars de contrats. On peut se demander combien de millions seront détournés.

Rédigé par Laurent Falquet


Publications

Derniers articles publiés

Annonces

La formation Rédacteur Professionnel

Si vous souhaitez des informations concernant la formation Master Rédacteur Professionnel, unique en France, contactez :
marie-emmanuelle.pereira@univ-amu.fr
veronique.rey.2@univ-amu.fr


Le programme de formation RP

Vous trouverez le descriptif des enseignements dans l’onglet "formation Rédacteur Professionnel"